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Mercredi 2 mars 1966
Les nuits de lundi et de mardi se passèrent sans incident, hormis les perpétuels jurons de Abe et de Corey. Devoir vivre dans une incessante puanteur était pour eux un tourment proche de la torture. Seuls leur affection pour Carmine et le désir profond d’en finir avec cette affaire les avaient persuadés d’accepter, mais ils le regrettaient à chaque seconde. Fort heureusement, la baignoire du bâtiment des services administratifs était assez large pour accueillir deux hommes à la fois.
Le temps était toujours aussi beau : il ne gelait plus, pas de pluie, pas de vent. Parfait pour un enlèvement.
Carmine s’était efforcé d’envisager toutes les possibilités. Il se dissimulait avec Abe et Corey de manière à voir la porte du tunnel. Des véhicules banalisés étaient stationnés à chaque bout de Deer Lane comme de Ponsonby Lane, un devant le motel du Major Minor, un autre à l’endroit où Carmine s’était caché un mois plus tôt, et plusieurs sur la Route 133. Mais ils n’étaient que des leurres : Charles Ponsonby devait certainement se douter de leur existence. Les guetteurs vraiment importants étaient cachés sur les chemins d’accès des quatre maisons de Deer Lane, et aucune de leurs voitures n’y était encore garée. Carmine estimait que celle qu’utilisait Ponsonby devait être garée plus loin, sur la Route 133. En tout cas, ce ne serait ni le break ni la Mustang décapotable qu’abritait son garage. Peut-être un complice se chargeait-il de transporter Charles ? Dans ce cas, celui-ci se rendrait à pied au rendez-vous.
Carmine et ses deux adjoints gravirent la pente menant à la crête, sachant que Ponsonby, après sa journée de travail au Hug, était encore en route pour rentrer chez lui.
— C’est vraiment dur de sentir votre odeur, leur lança-t-il. Qu’est-ce que vous puez !
— Ne m’en parle pas ! J’ai beau respirer par la bouche, geignit Corey, ça ne sert à rien. Je comprends pourquoi ça rend les chiens complètement fous.
Après avoir pris conseil auprès de Pete Evans, l’amateur d’oiseaux de la brigade, ils avaient édifié un abri à moins d’une dizaine de mètres de la porte, sans qu’aucun tronc d’arbre ne s’interpose entre elle et eux. Tous trois restaient allongés, roulant parfois sur le côté pour prévenir les crampes. Un seul d’entre eux montait vraiment la garde tandis que les deux autres demeuraient aux aguets.
Un examen minutieux leur avait appris qu’il n’y avait pas d’alarme, comme la chute de Carmine semblait d’ailleurs l’avoir montré. Charles Ponsonby devait être persuadé que nul ne connaissait l’existence de son tunnel.
Pendant ces heures de guet interminables, Carmine ne cessait d’y songer. Qui l’avait creusé ? Il devait faire au moins trois cents mètres de long, voire plus. Même très étroit, il avait bien fallu enlever la terre et les rochers, où étaient-ils passés ? Les murs de pierre sèche étaient courants dans le Connecticut, les cultivateurs les édifiaient avec celles qu’ils trouvaient dans leurs champs. Combien de tonnes ? Cent ? Deux cents ? Il fallait aussi qu’il soit ventilé, mais comment ? Les deux vieilles granges achetées par Charles dans l’État de New York avaient-elles fourni les étais ?
À 2 heures du matin, il y eut un faible bruit, une sorte de grondement lointain qui augmenta peu à peu, avant de céder la place au faible geignement de charnières bien huilées. Puis une porte s’ouvrit, faisant tomber les feuilles mortes. Il en émergea une forme noire qui s’accroupit et eut un petit hoquet de dégoût en percevant l’odeur nauséabonde. La tête de la chienne apparut ensuite et disparut aussitôt ; Biddy ne monterait pas la garde ce soir. Les trois hommes entendirent Ponsonby l’appeler pour qu’elle sorte, mais en vain. Pat avait eu une bonne idée, finalement.
Il avait été convenu que Carmine suivrait Ponsonby tandis qu’Abe et Corey resteraient à l’entrée du tunnel. Retenant son souffle, le lieutenant attendit que la forme se redresse. On la discernait très mal dans la pénombre de cette nuit sans étoiles et sans lune. Quels vêtements portait-elle donc ? Elle se mit finalement en marche, sans bruit ou presque. Carmine s’était vêtu de noir, noirci le visage, chaussé de baskets, et resta à une distance respectable – huit mètres au minimum –, en priant pour que la cagoule de Charles lui masque les bruits éventuels du policier.
Ponsonby descendit la pente menant à Deer Lane puis, tout près du parking, bifurqua en direction de la Route 133, en traversant les bois. Le sol était désormais plus régulier, mais Carmine se rendit compte qu’il avait plus de mal à suivre sa proie des yeux. Il fut tenté de rejoindre la route, ce qui lui permettrait d’avancer plus vite, mais c’était impossible d’y accéder par le chemin de gravier : il ferait trop de bruit.
La sueur lui coulait sur le front, l’aveuglant. Il s’en débarrassa d’un revers de main, mais, quand il put de nouveau regarder devant lui, la silhouette avait disparu. Carmine était pourtant certain que Ponsonby ne l’avait pas repéré, car il avait laissé ouverte la porte du tunnel. S’il avait pensé être espionné, il aurait fait demi-tour aussitôt. Il devait toujours se diriger vers la Route 133, perdu dans l’obscurité. Carmine choisit donc la seule alternative raisonnable : partir en courant vers la Chrysler garée sur Deer Lane, tout près de la forêt. Il y monta et ferma la portière discrètement.
— Il est sorti, mais je l’ai perdu, expliqua-t-il à Marciano et Patrick. Il est vêtu de noir des pieds à la tête, il ne fait aucun bruit, et il doit avoir des yeux de chat. Mais c’est vrai qu’il doit aussi connaître chaque pouce de sa forêt. Il va nous falloir attendre qu’il revienne avec une pauvre fille terrifiée. Bon Dieu, pourvu qu’il ne la tue pas avant de revenir !
— On donne l’alerte par radio ? demanda Marciano.
— Non. On ne sait pas de quel véhicule il se sert. Il pourrait être en possession d’un dispositif lui permettant d’écouter toutes les fréquences de la police. Attendez que je vous prévienne par talkie-walkie qu’il est rentré dans son tunnel, accordez-moi dix minutes, puis foncez sur la maison avec les autres. C’est encore ce qu’on peut faire de mieux.
Carmine sortit de la voiture et repartit vers l’abri où Abe et Corey se blottissaient.
— Je l’ai perdu. Il va falloir attendre.
— Il ne peut pas aller loin, dit Corey à voix basse. Il est trop tard pour qu’il puisse dépasser les limites du comté.
Quand Ponsonby revint, vers 5 heures du matin, il était un peu plus facile à repérer. Le corps jeté sur ses épaules était enveloppé de noir mais l’alourdissait : ses pas étaient moins silencieux. Au lieu de monter depuis Deer Lane, il s’approcha de la porte du tunnel par le côté, jeta son chargement à terre, puis se glissa dans le tunnel avant de traîner le corps pour l’y faire pénétrer. Puis la porte se referma, apparemment commandée par un levier.
Carmine, le doigt posé sur le bouton d’appel de son talkie-walkie, s’apprêtait à alerter Marciano, quand il se figea et fit signe à ses compagnons de se tenir cois. Une silhouette apparut au sommet de la crête, puis entreprit de descendre jusqu’au tunnel, précédée par une Biddy réticente, tourmentée par l’horrible odeur de putois. Claire Ponsonby ! Elle portait un grand seau rempli de feuilles et un râteau. La chienne s’agitait, geignait, tirait sur sa laisse, contraignant Claire à travailler d’une main. Elle ratissa d’abord les feuilles rejetées sur le côté par l’ouverture de la porte, puis versa le contenu du seau par-dessus, avant de les égaliser avec le râteau. Pour finir, lassée des manœuvres de Biddy, elle haussa les épaules, fit demi-tour et quitta les lieux.
— Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Abe quand le bruit des pas de Claire eut cessé de se faire entendre.
— On lui laisse le temps de rentrer chez elle, et après on appelle les troupes, comme prévu.
— Comment savait-elle où jeter les feuilles ? dit Corey.
— On va voir, répondit Carmine en se levant avant de se diriger vers la porte camouflée. Ça doit être ça.
Il souleva du pied un tuyau de plomberie, apparemment peint en brun.
— La chienne connaît le chemin jusqu’à la sortie du tunnel, mais ne peut pas lui dire qu’elle y est. Quand Claire touche le tuyau du bout des doigts, elle sait qu’elle est devant la porte. Après, c’est facile.
— Alors, c’est elle, le second Fantôme, conclut Abe.
— On dirait bien.
Carmine se tourna vers ses deux compagnons.
— Bon, vous êtes prêts pour un voyage en enfer ? On a neuf minutes avant que Marciano ne donne l’assaut.
Le tunnel était de section carrée, assez large pour qu’on puisse y ramper sur les mains et les genoux, et ses parois étaient recouvertes de planches. Tous les cinq mètres environ, on apercevait la tige d’un petit ventilateur, apparemment fabriqué avec un tuyau de dix centimètres de diamètre. Il devait sans doute dépasser à peine du sol, en dessous d’une grille qui restait couverte la plupart du temps. Tout ça avait dû demander énormément d’efforts et de temps, sans doute des années. Creusé à la main, étayé à la main, terre et pierres dispersées dehors à la main. Charles Ponsonby menait une vie relativement bien remplie, il n’aurait pas eu le temps de s’en charger. C’était donc l’œuvre de quelqu’un d’autre.
Il leur fallut cinq minutes pour parcourir le tunnel. Il prenait fin par une autre porte, en acier cette fois, munie d’une serrure à combinaison.
— C’est un vrai coffre-fort, souffla Abe.
— Tais-toi et laisse-moi réfléchir.
Carmine examina la porte à la lueur de sa lampe torche.
Bon sang, j’aurais dû prévoir ça, se dit-il, furieux contre lui-même.
— Bon, on peut logiquement penser qu’il est à l’intérieur et ignore ce qui se passe dehors. Si Claire est le second Fantôme et qu’elle n’est pas passée par ici, c’est qu’il y a quelque part une autre entrée pour accéder à la maison. Il va falloir la trouver. C’est parti !
Après un parcours frénétique à quatre pattes en sens inverse, Carmine descendit à toute allure la pente menant à la maison des Ponsonby. Un lourd filet s’abattit sur Biddy, tandis que Claire tentait d’empêcher Marciano d’entrer.
— Passe-lui les menottes et dis-lui quelles sont les accusations retenues contre elle, Danny, lança Carmine. Elle a recouvert de feuilles la porte du tunnel, elle est donc complice. Mais on ne peut pas entrer par le tunnel dans la salle où il opère, il y a une porte blindée.
Il s’approcha de Claire.
— Mademoiselle Ponsonby, n’aggravez pas votre cas, et dites-nous comment on peut accéder de la maison à la chambre des horreurs de votre frère. Nous savons qu’il est le monstre du Connecticut.
Elle secoua la tête.
— Non, non, c’est impossible ! Je n’y crois pas ! Je n’y crois pas !
— Emmenez-la en ville, dit Marciano à deux de ses adjoints. Avec la chienne. Et traitez-la correctement, compris ?
— Danny, Patrick, ordonna Carmine, venez avec moi. Je ne veux personne d’autre. Personne n’entre dans cette maison tant que Paul et Luke n’auront pas terminé leurs examens. Bon, il faut absolument que nous trouvions l’autre entrée avant que Charles puisse faire quoi que ce soit à cette malheureuse fille. Qui est-ce, d’ailleurs ?
— Aucune idée, répondit Marciano, accablé. Personne ne doit être réveillé chez elle, il n’est pas encore 6 heures.
Pourquoi Carmine était-il persuadé que c’était dans la cuisine ? Parce que c’était là que les Ponsonby semblaient vivre. Il avait senti lors de sa visite que c’était le centre de leur univers. Le reste de la vieille demeure était une sorte de musée, la salle à manger un simple endroit où placer leur chaîne hi-fi, leurs haut-parleurs et leur collection de disques.
— Bon, je suis à peu près certain que c’est ici, dit Carmine une fois qu’ils furent dans la cuisine. La maison a été bâtie en 1725, les murs ne devraient pas être d’une solidité à toute épreuve.
La pièce était très froide, et le four n’était pas allumé. Surprenant ! Un réservoir d’eau était placé derrière, encore chaud au toucher. Patrick tâtonna du bout des doigts et sentit un levier. Fermant les yeux, il appuya dessus. Le fourneau tout entier pivota en silence vers l’avant, puis vers le côté, révélant, dans la cheminée de pierre, la présence d’une porte d’acier. Carmine l’ouvrit, revolver au poing, puis parut hésiter et remit l’arme dans son holster.
— Pat, donne-moi ton appareil photo. Je ne pense pas que j’aurai besoin de mon arme, mais Danny pourra me couvrir. Toi, tu restes ici.
— Pas de risque inutile, Carmine, supplia Patrick.
— Donne-moi ton appareil, bon Dieu !
Des marches de pierre descendaient jusqu’à une simple porte de bois que Carmine ouvrit avant d’entrer dans ce qui ressemblait à une salle d’opération. Charles Ponsonby était là, penché au-dessus d’un lit sur lequel une jeune fille était étendue, inconsciente, déjà dévêtue, ligotée par des bandes de toile. Le professeur était entièrement nu. Sa peau était humide par endroits ; il venait sans doute de prendre une douche. Il fredonnait gaiement, tâtant du bout des doigts sa victime, attendant avec impatience qu’elle s’éveille.
Carmine appuya sur le bouton de l’appareil, déclenchant un éclair de flash. Ponsonby se tourna alors vers lui, bouche bée, sans paraître vouloir résister.
— Charles Ponsonby, énonça Carmine, vous êtes en état d’arrestation. Vous êtes accusé des meurtres de Faith Khouri, Mercedes Alvarez, Margaretta Bewlee et Francine Murray. Vous pouvez garder le silence, et vous avez droit à une représentation juridique. Vous me comprenez ?
On aurait dit que non. Charles pinça simplement les lèvres et lui adressa un regard plein de colère.
— Je vous conseille de contacter votre avocat dès que nous serons de retour en ville. Il en faudra également un pour votre sœur.
Danny Marciano survint, un imper de plastique noir dans les bras.
— Je n’ai rien trouvé d’autre. Mets-y les bras, tas de merde !
Puis il sortit ses menottes et les passa à Ponsonby.
— Pat, lança Carmine, tu peux venir.
— Bon Dieu ! s’exclama Patrick en arrivant.
Les deux cousins enveloppèrent la fille dans un drap et la portèrent vers le rez-de-chaussée, suivis par Marciano et Ponsonby.
Quand celui-ci eut été installé à l’arrière d’une voiture de patrouille, il parut, l’espace d’un instant, revenir à la réalité. Puis il rejeta la tête en arrière et éclata d’un rire empli d’une folle allégresse. La victime, dont on ignorait toujours l’identité, fut conduite vers l’ambulance, qui démarra au moment même où arrivait le van de Paul et Luke, faisant reculer les habitants de Ponsonby Lane venus assister au spectacle. Le Major était là, parlant avec animation.
— Tu peux me rendre mon appareil ? demanda Pat à Carmine comme tous deux entraient dans la chambre des horreurs, suivis par Paul et Luke.
Les murs et le plafond étaient recouverts de panneaux d’acier inoxydable, le sol de mosaïque grise, et des tubes au néon diffusaient une lumière désagréable. Un faible chuintement trahissait une installation d’air conditionné, mais il régnait dans la pièce une odeur chimique propre aux salles d’opération. Sur le lit au cadre d’acier était posé un matelas de caoutchouc recouvert d’un drap blanc, non seulement propre, mais repassé. Au centre de la pièce trônait une table d’opération, également en acier, et d’une propreté irréprochable. Un croc de boucher, relié à un treuil accroché au plafond, était placé à la verticale d’un creux dans le sol muni d’une grille d’évacuation. Des vitrines abritaient des instruments de chirurgie, des médicaments, des seringues, des bouteilles d’éther, des pansements de gaze, du ruban adhésif. Dans l’une étaient soigneusement rangés de nombreux godemichés, ainsi que l’instrument de torture qui avait tué Margaretta et Faith. Un placard renfermait un système de nettoyage par jet d’eau ; un autre, des couvertures de coton et des draps. Carmine ouvrit le congélateur de supermarché qui occupait un coin de la pièce : l’intérieur était immaculé.
— Il jette les draps et les couvertures après chaque meurtre, dit Patrick.
Carmine souleva un rideau.
— Viens voir ça, dit-il.
Mais quelqu’un les appela d’en haut :
— Lieutenant ! On sait qui est la fille. Elle s’appelle Delice Martin, elle est pensionnaire à l’école catholique de Stella Maris.
— Il n’a donc pas eu besoin de voiture, conclut Carmine. L’endroit est à moins d’un kilomètre. Il l’a portée sur ses épaules en revenant.
— C’était quand même risqué de sa part d’enlever une fille si près de Ponsonby Lane, fit observer Patrick.
— Pas forcément. Dans sa tête, nous surveillions tous les gens du Hug de manière identique, alors pourquoi aurions-nous dû le suspecter plus particulièrement ? Il croyait que nul ne connaissait l’existence de son tunnel. Maintenant, viens voir. Allez, viens donc voir !
Tirant un rideau, il révéla une alcôve aux murs de marbre blanc. Sur une table ressemblant un peu à un autel, ornée d’un tissu aux superbes broderies, étaient posés deux chandeliers d’argent dont chacun accueillait une bougie. Tout était en place pour un rituel de sacrifice.
Le mur situé derrière accueillait quatre rayonnages. Sur chacun des deux du haut étaient alignées six têtes ; deux autres occupaient le troisième et le dernier était vide. Elles avaient été coulées dans du plastique transparent.
Patrick serra les poings pour empêcher ses mains de trembler.
— Il a eu des problèmes avec les cheveux, mais il a fait des progrès avec le temps. Ça a dû être très lent avec les six premières. La tête devait être retournée, maintenue par un clamp, tandis qu’il versait le plastique. Ensuite, il a sans doute trouvé un moyen de durcir la chevelure, ce qui lui a permis de procéder en une seule fois. Je me demande comment il a fait pour surmonter la décomposition anaérobie ; je suppose qu’il a enlevé le cerveau, peut-être rempli la boîte crânienne d’un gel de formaline. Le cou est dissimulé sous une bordure d’or...
Il eut un hoquet et se maîtrisa à grand-peine.
— Je crois que je vais vomir.
— Je ne savais pas qu’on pouvait faire des inclusions de plastique d’aussi grande taille, dit Carmine. Même la tête de Rosita Esperenza a l’air en bon état.
— En tout cas, et quoi que puissent dire les manuels, Charles Ponsonby maîtrise parfaitement la méthode. Bon, voyons la salle de bains, suggéra Patrick.
— C’est ici qu’il est venu prendre sa douche, dit Carmine en voyant les parois encore humides. Tiens, voilà la tenue qu’il portait.
C’était une combinaison de plongée en caoutchouc noir, comme la paire de bottes aux semelles lisses posée sur le sol et les gants jetés sur un tabouret. Ponsonby semblait avoir enlevé les bandes de couleur qui les décoraient.
— Très souples, poursuivit Carmine en pliant l’une des bottes entre ses mains gantées. C’est peut-être un chercheur raté, mais en tant que tueur, il est phénoménal.
Ils revinrent dans la pièce principale, que Paul et Luke étaient en train de photographier sous tous les angles. Il leur faudrait des jours et des jours pour accomplir toutes les tâches que Patrick leur demanderait.
— Les têtes sont des preuves suffisantes pour l’accuser de quatorze crimes, se réjouit Carmine. Pour les avoir exposées de manière aussi voyante, il ne devait pas imaginer une seule seconde qu’on pourrait découvrir sa chambre des horreurs. Il passera sur la chaise ou sera condamné à quatorze peines à perpétuité. Et il mourra en prison, violé tous les soirs par les autres détenus. En général, ils détestent ce genre de malade.
— Tu sais aussi bien que moi qu’il sera mis à l’isolement, dit Patrick.
— Oui, c’est vrai. C’est bien dommage. Je voudrais qu’il souffre, Pat. Qu’est-ce que la mort, sinon un sommeil paisible et éternel ? Et l’isolement, sinon une occasion de lire des livres ?